Certains participants sont venus avec des drapeaux de la Russie et des pancartes appelant à la paix avec la Russie et la Chine, ainsi que des images de matriochkas.
3 octobre 2025. Les médias russes ont diffusé toute la journée le même reportage : « à Berlin et dans toute l’Allemagne — des dizaines de milliers contre les livraisons à l’Ukraine et à Israël, contre les missiles américains, pour la paix et la diplomatie ». Ils ont insisté sur la symbolique de la date — la Journée de l’unité allemande, le 35e anniversaire de la réunification du pays — et ont présenté une manifestation de rue typique de la culture politique allemande comme quelque chose d’épique. Selon les médias russes, c’est un « tournant » de l’opinion publique en Allemagne et un « signe de fatigue de l’Europe » face au soutien à Kiev et Jérusalem. Nous comprenons parfaitement pourquoi cela est amplifié en « joie » : cette image sert le public interne, démoralise les alliés de l’Ukraine et d’Israël et exerce une pression sur les décisions budgétaires dans les capitales de l’UE et de l’OTAN.
À propos de la date
La RFA célèbre le 3 octobre le 35e anniversaire de l’unification du pays – la Journée de l’unité allemande, qui est une fête nationale et un jour férié. Le 3 octobre 1990, cinq Länder de l’ancienne République démocratique allemande (RDA) – Brandebourg, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe – ont rejoint la République fédérale d’Allemagne. Les principales célébrations avec la participation des dirigeants du pays se déroulent cette année dans le centre administratif du Land de la Sarre – Sarrebruck.
Initialement, la fête en l’honneur de l’unification du pays devait être célébrée le 9 novembre – le jour de la chute du mur de Berlin. Cependant, il a été décidé de renoncer à cette idée, car la date est liée à une période sombre de l’histoire de l’Allemagne : en 1923, ce jour-là a eu lieu le « putsch de la brasserie », une tentative de coup d’État menée par Adolf Hitler et le général Erich Ludendorff, et dans la nuit du 10 novembre 1938, des pogroms antisémites – la « Nuit de cristal » – ont eu lieu dans des dizaines de villes allemandes. Pour cette raison, une autre date a été choisie pour la fête – le 3 octobre, liée à l’unification effective de la RFA et de la RDA en 1990.
Matriochkas et drapeaux « palestiniens »

Pour séparer les faits de la « gonflette festive », il est important de dire certaines choses clairement.
En Allemagne, les manifestations de rue sont un outil de pression sur le pouvoir routinier, légal et assez fréquent. Les marches « anti-guerre », les initiatives pacifistes, les blocs locaux de partis — tout cela fait partie du paysage habituel. Et lorsque les plateformes russes construisent à partir de cela une « Europe jubilante contre les livraisons », elles prennent des éléments reconnaissables (colombes de la paix, pancartes sur la diplomatie, drapeaux palestiniens, parfois aussi des tricolores russes) et les assemblent dans un cadre pratique mais réduit.
Comment la « massivité » est présentée et pourquoi c’est pratique : chiffres, images, émotions
À Berlin, l’itinéraire était standard : Bebelplatz dans le quartier de Mitte — puis une boucle dans les rues centrales et retour au point de départ. La police, comme d’habitude, donne une estimation (environ 7 à 7,5 mille), les organisateurs — une plus élevée (10 à 20 mille).
Dans le sud-ouest du pays, à Stuttgart, sur la Schlossplatz, une action parallèle avait lieu ; là, les partisans de « l’Union de Sahra Wagenknecht — pour la raison et la justice » (BSW) partageaient à fond sur les réseaux sociaux « quinze mille et une atmosphère fantastique ». Pour le lecteur allemand, cette arithmétique est familière : la police est toujours plus prudente, les organisateurs — toujours plus généreux. Pour les médias russes, un tel écart est une mine d’or. On peut prendre le maximum, l’assaisonner du mot « dizaines de milliers » et le présenter comme un « signal ».
Le deuxième détail pratique est la série visuelle. Colombes de la paix sur des bannières bleues ; pancartes : « diplomatie au lieu des armes », « non à la militarisation » ; exigences « de ne pas déployer de missiles américains ». Tout cela s’inscrit joliment dans un cadre émotionnel, facilement retransmis dans les fils d’actualité. Si quelque part au bord de la colonne apparaît un tricolore russe ou une matriochka en carton — le cadre devient « parfait » : la colombe pacifique et les « symboles de la Russie traditionnelle » côte à côte. C’est à partir de ce mélange que se construit la « joie » des fils d’actualité russes : « regardez, l’Europe a ouvert les yeux ».
Mais la réalité est plus complexe. Dans les colonnes marchaient des personnes et des groupes très divers : pacifistes classiques, blocs BSW, points de présence des sociaux-démocrates, activistes pro-palestiniens. Leur agenda ne se croise que partiellement. Pour certains, « la paix » signifie des négociations tout en maintenant l’aide à la partie attaquée. Pour d’autres, « la paix » signifie l’arrêt des livraisons d’armes aujourd’hui, même si cela nuit à la capacité de défense de l’Ukraine et d’Israël. Pour d’autres encore, « la paix » est un écran pratique pour une rhétorique anti-américaine et pro-russe. Dans une seule image, tout cela est indistinct — et c’est précisément pourquoi l’image est si prisée par la propagande.
Ce qui est amplifié en « joie » : les récits qui profitent à Moscou
Premier récit : « L’Europe est fatiguée et se retourne ».
Toute action pacifique est immédiatement marquée comme une « protestation massive contre l’aide à Kiev et Israël ». On en retire la nuance que l’Allemagne n’est pas seulement la rue, mais aussi le Bundestag, les coalitions, les comités, les plans de défense et les longues procédures bureaucratiques. La rue forme un fond, mais les décisions ne sont pas prises sur la place. La « joie » russe fait comme si le fond était déjà une décision.
Deuxième récit : « L’OTAN est la source de l’escalade ».
Le slogan « non au déploiement de missiles américains » est emballé dans la thèse « l’Allemagne contre l’OTAN ». Bien qu’à l’intérieur même des groupes de gauche et pacifistes, la diversité des opinions soit grande : du refus total de toute infrastructure militaire à la reconnaissance assez pragmatique du rôle des États-Unis dans la sécurité européenne. Mais ce spectre n’existe pas dans les reportages russes — il faut une image simple : « l’Allemagne dit non à l’OTAN ».
Troisième récit : « Les sanctions ont échoué, il est temps de se réconcilier ».
L’appel à « lever les sanctions » (un des points favoris de BSW) est transmis comme « la voix rationnelle de l’Europe ». On n’ajoute pas que lever les sanctions récompense le contrevenant, augmente ses ressources et réduit le coût de l’agression. Dans la construction « joyeuse », cela ne résonne jamais : trop de logique, peu d’émotion pratique.
Quatrième récit : « Division du monde par nations et drapeaux ».
Les blocs pro-palestiniens et les drapeaux russes côte à côte dans un même reportage créent l’illusion d’un front uni contre « l’Occident ». Dans l’Allemagne réelle, ces flux ne coexistent souvent que physiquement ; leurs objectifs politiques et valeurs peuvent différer radicalement. Mais dans la logique propagandiste, toute image voisine est « collée » jusqu’à l’image souhaitée — et c’est pourquoi la « joie » s’explique : elle construit l’illusion d’une grande foule bigarrée mais unie, qui « dit la même chose ».
Pourquoi cela est important pour Israël et l’Ukraine (et que doivent faire les médias)
Pour l’Ukraine, de tels reportages « joyeux » de Moscou sont utilisés comme un outil de pression sur la volonté européenne d’aider. Plus « l’Europe est fatiguée » est fort, plus il est facile dans les débats parlementaires dans n’importe quelle capitale de l’UE de jouer sur le thème de l’économie budgétaire, et dans les négociations en coulisses — de marchander pour des « initiatives de paix » sans sécurité. Pour Israël, le risque est double : dans l’agenda de telles marches, les exigences d’embargo sur les livraisons d’armes à Israël sont de plus en plus intégrées. C’est pourquoi nos audiences en Israël et dans les diasporas ukrainiennes suivent attentivement non pas l’émotion de l’image, mais les conséquences réelles — les votes, les lignes budgétaires, les contrats dans le cadre de l’OTAN et les accords bilatéraux.
Que doivent faire les médias s’ils ne veulent pas jouer le rôle de fond d’un récit étranger ? Premièrement, baliser les images : où est le pacifisme, où est le PR partisan, où est le trolling géopolitique direct. Deuxièmement, séparer les niveaux : la rue est un fond, le gouvernement et le parlement sont des décisions. Troisièmement, respecter les faits : donner les deux estimations de la taille, indiquer l’itinéraire, nommer les organisateurs, ne pas mélanger différents événements (par exemple, confondre les marches de septembre avec celles d’octobre). Cela ne tue pas l’émotion, cela rend au lecteur une optique adulte.
Pourquoi nous « savons pourquoi » cela est fait — et en parlons ouvertement
Parce que c’est un schéma récurrent. Chaque fois qu’une foule hétéroclite « pour la paix » descend dans les rues des capitales européennes, les chaînes russes transforment cela en une histoire monosyllabique « l’Europe contre les livraisons ».
Les chiffres sont pris au maximum, les pancartes voisines sont collées en un seul message, et les questions complexes — qui paie pour la sécurité, ce qu’est la « paix » pour un pays attaqué, où est la frontière entre désescalade et capitulation — tombent hors du cadre. En conséquence, à l’intérieur de la Russie, une image « joyeuse » se forme : « le soutien à l’Ukraine/Israël est sur le point de s’effondrer ». À l’extérieur — c’est un outil de pression sur les politiciens, qui doivent approuver demain les budgets et les paquets d’aide.
Nous appelons cela par son nom non pas pour rabaisser la position anti-guerre sincère de quelqu’un. Au contraire : une argumentation pacifiste mature repose sur la reconnaissance honnête des risques, le respect des faits et la clarté des termes. « La paix à tout prix » n’est pas la paix. C’est une pause, dont le prix est payé par la victime de l’agression.
Conclusion de NAnews : selon les médias russes, le 3 octobre, l’Allemagne a « massivement protesté contre les livraisons à l’Ukraine et à Israël ».
En pratique — c’est une série de manifestations pacifiques avec un agenda hétéroclite, habituelles pour le calendrier politique allemand. La « joie » dans les fils d’actualité russes est compréhensible : elle alimente le récit « l’Europe est fatiguée », vise à faire pression sur les alliés et à diluer le soutien à Kiev et Jérusalem. Notre tâche est de restituer les nuances, de nommer les organisateurs et les exigences, de ne pas confondre les événements et de se rappeler : les décisions ne sont pas prises sur la place, mais dans les parlements et les cabinets, où l’on compte non pas les slogans, mais les risques et les voix.
